CLASSE DE TERMINALE

ENSEIGNEMENT DE SPECIALITE

 

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Bulletin Officiel du ministère de
l'Education Nationale et
du ministère de la Recherche

Hors-série N°4 du 30 août

2001

www.education.gouv.fr/bo/2001/hs4/arts.htm - nous écrire




PROGRAMME DES ENSEIGNEMENTS
ARTISTIQUES DES CLASSES TERMINALES
DES SÉRIES GÉNÉRALES ET TECHNOLOGIQUES



A. du 20-7-2001 . JO du 4-8-2001
NOR : MENE0101651A
RLR : 524-7 ; 524-9
MEN - DESCO A4



DANSE
ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ - SÉRIE LITTÉRAIRE


I - DÉFINITION

L'enseignement de la danse au lycée se situe au croisement du champ artistique et de l'éducation physique et sportive. Il se propose de fournir à l'élève un ensemble d'acquis élémentaires, pratiques, culturels et méthodologiques pouvant servir de socle à un développement ultérieur.
-
Dans sa composante pratique, il valorise la dimension poétique du corps, privilégie l'expression et l'interprétation artistiques du mouvement. Il développe des syntaxes mettant en relation plusieurs éléments (danseurs, espace, temps, autres disciplines artistiques...) et implique une relation dynamique entre la personne et le groupe.
-
Dans sa composante culturelle, il prend en compte les références patrimoniales et contemporaines de l'art chorégraphique. Il met en relation le travail chorégraphique des élèves avec les disciplines de la classe terminale lorsque celles-ci croisent les problématiques de la danse ou dialoguent ave elles.
L'enseignement de la danse, comme celui des autres arts, implique l'acquisition de savoirs, savoir-faire, méthodes et méthodologies nécessaires à la mise en œuvre de ces deux composantes. En classe terminale, il se complète de celui de l'art chorégraphique dans une analyse, une problématisation des "écritures chorégraphiques" comme inscription d'imaginaires et de systèmes de pensée singuliers.
Sa mise en œuvre est assurée par des
équipes associant plusieurs enseignants formés à cet effet (relevant de l'éducation physique et sportive et d'autres disciplines), et un partenaire culturel impliqué dans une démarche de création, en concertation éventuelle avec un pôle de ressources identifié.

II - OBJECTIFS

En classe terminale, l'enseignement de la danse se donne trois objectifs :
- approfondir les acquis des classes précédentes, en particulier poursuivre la relation avec les autres disciplines artistiques, prioritairement celles qui sont enseignées dans l'établissement ;
- élargir l'investigation sur le statut du corps en direction des différents courants de pensée dans l'histoire et dans la société ;
- commencer à questionner et à problématiser les évolutions récentes des savoirs et des pratiques de danse et de leur transmission.

III - PROGRAMME

III.1 Les deux composantes fondamentales du programme
Le programme s'organise à partir d'une composante pratique et d'une composante culturelle.
La classe terminale favorise encore davantage la réunion des composantes pratiques et culturelles avec l'acquisition des savoirs et savoir-faire correspondants. Il importe de faire comprendre à l'élève que le mouvement humain, dans la danse, s'inscrit dans la pensée et la création et qu'à partir de lui peuvent s'élaborer des œuvres d'art chargées de sens.

Composante pratique

L'enseignement est toujours relié à la programmation locale et, pour une grande part, aux oeuvres de l'ensemble commun obligatoire.
Il poursuit et approfondit la triple expérience, par l'élève, de danseur-interprète, compositeur et spectateur.
-
"Danseur-interprète" : l'élève, par un travail d'interprétation (atelier, répertoire), déchiffre et intègre dans le travail du corps le sens et la pensée d'un langage chorégraphique.
-
"Compositeur" : l'élève analyse et met en perspective ses propres matériaux et ses choix. Il traite les références artistiques et esthétiques dont il dispose en vue d'adhérer à un mouvement artistique ou de s'en écarter. Il est capable de relier "activité" et "débat" à des questions fondamentales posées dans l'art, y compris dans les autres disciplines artistiques.
-
"Spectateur" : comme en première, il approfondit, à partir des spectacles et/ou du travail d'atelier, les outils de lecture acquis préalablement. Il utilise de façon plus fine les références dont il dispose. Il peut reconstruire les articulations entre les matériaux et le langage chorégraphique. Il relie son travail pratique à des pratiques de lecture, de transmission ou d'enregistrement (analyse fonctionnelle du mouvement, notation, captation vidéo, verbalisation). Comme sujet, il interroge sa propre perception et son rôle de spectateur, situant ainsi ses goûts personnels et les repères et références acquis.

Composante culturelle

L'enseignement de la danse, organisé autour des trois œuvres choisies, met en perspective :
- les problématiques que soulèvent leur démarche et/ou leur processus et le débat qu'elles suscitent ;
- l'influence qu'elles exercent sur la vie chorégraphique et artistique ;
- leur richesse propre, qui ne s'épuise pas à travers un nombre réduit de lectures.


III.2 Les deux ensembles du programme
Le programme comporte un
ensemble commun obligatoire et un ensemble libre se répartissant approximativement entre les trois quarts de l'horaire global pour le premier et un quart pour le second.
III.2.1 L'ensemble commun obligatoire
Seule l'étude d'un langage chorégraphique tel qu'une œuvre en témoigne permet d'éviter une approche de la danse comme activité motrice aux dépens de la construction esthétique et symbolique que représente la conduite artistique.
Le choix s'est porté sur des œuvres à partir desquelles il est possible d'aborder les problématiques essentielles de l'art chorégraphique. Leurs chorégraphes se distinguent par un parti pris fort et singulier dans la démarche, la composition, la philosophie du corps et sa mise en œuvre. En témoignent un traitement gestuel, une relation forte aux autres arts, une conception innovante de l'acte performatif, une pensée sur le monde et un rapport à ce dernier.
Dans le prolongement des activités de seconde et de première, l'enseignement s'organise autour de trois œuvres : L'après midi d'un faune de Nijinsky, Changing steps de Merce Cunningham, Set and reset de Trisha Brown.
Ces œuvres ont été déterminées en fonction des critères suivants :
- la complexité de leur lecture et des questionnements auxquels elles donnent lieu ;
- le rayonnement qu'elles exercent sur l'art et la culture de notre temps ;
- les possibilités concrètes d'accès aux sources, aux pratiques de répertoire, à une documentation substantielle et de qualité.
Deux de ces œuvres sont impérativement fixées par le programme : l'œuvre du patrimoine et une des deux œuvres contemporaines. Le choix de la troisième œuvre - obligatoirement contemporaine - est laissé à l'initiative de l'équipe partenariale, en concertation éventuelle avec le pôle ressource : il peut s'agir de la troisième œuvre mentionnée ou d'une œuvre en rapport avec la programmation ou le travail de création du partenaire. Aucune de ces œuvres ne doit faire l'objet d'une étude exhaustive : chacune est à considérer comme une véritable "boîte à outils" qu'il appartient à l'équipe partenariale de savoir exploiter.
A - La pratique artistique
Les trois œuvres sont à explorer au titre du
vocabulaire gestuel et des états de corps, de la syntaxe, de l'écriture spatiale et du phrasé.
* L'après-midi d'un faune de Nijinsky, 1912
Cette œuvre de Nijinsky se distingue par :
- son apparition en tant qu'œuvre de la modernité hors de toute lignée moderniste, dans un cadre de production néo-classique ;
- l'intérêt du contexte artistique et littéraire dans lequel elle s'inscrit ;
- les processus d'élaboration très originaux dont elle est issue, ainsi que les modes de transmission qui en permettent la réception aujourd'hui ;
- la charge de transgression qu'on lui reconnaît encore dans notre culture.

Vocabulaire gestuel, état de corps

Le vocabulaire abandonne la tradition académique (à part l'usage récurrent de la demi-pointe). Il instaure un "poème chorégraphique" avec passage d'une pose plastique à une autre. Le geste est stylisé, dépourvu de naturalisme. Et bascule entre deux sources d'influence : l'archaïsme, la modernité.
- Les sources archaïques : gestuelle inspirée par l'argument très bref de Cocteau issu du texte de Mallarmé ; caractérisation des personnages : paresse du faune au début, puis contraction du corps ; imitation de la gestuelle des frises et des vases grecs.
- Les sources modernes : nouvelles données apportées par les pratiques corporelles modernes (Isadora Duncan, l'influence dalcrozienne, la bio-mécanique), rapport du poids du corps au sol (danse terre à terre), abandon accentué du torse à partir du sternum.
L'écoute d'un texte, la reproduction de gestes venus d'une époque lointaine, sont intégrées au travail d'atelier et reliées à un état de corps contemporain.

Syntaxe, écriture spatiale et phrasé

La pièce se construit de façon ternaire : le faune seul, l'apparition des nymphes avec le chœur, la quête de la nymphe disparue.
La composition est induite essentiellement par des qualités de rythme et d'espace.
- Le rythme : la brièveté de l'œuvre qui, en 10 minutes, décline un éventail complet de contrastes, de suspensions, de contractions et de dilatation de la durée. Le phrasé est irrégulier (alternance de moments de lenteurs tenues avec de brusques accentuations).
- Les dynamiques corporelles : dans l'ensemble, le régime de tension est très fort pour le faune, plus léger pour les nymphes, ce qui rend d'autant plus visibles les quelques moments d'affaissement et l'effet de cassure dans le geste ; pas de préparation dans le mouvement, d'où une esthétique du discontinu (cf. la critique deDalcroze).
- L'espace : on peut observer le traitement de l'espace latéral, mono dimensionnel ; les directions du regard ne correspondent ni aux directions du déplacement ni à celles du corps (directionnels dissociés) ; les déplacements des danseurs sur un ou plusieurs axes latéraux coulissent entre eux, ainsi que leurs regards.


* Changing steps de Merce Cunningham, 1988
Changing steps est une œuvre emblématique de cet artiste, et à travers lui, de nombreuses préoccupations cruciales de l'art contemporain : l'œuvre "ouverte" modulable, l'incertitude du statut de l'objet d'art dans un rapport particulier avec les techniques de sa propre reproduction, la constitution de l'œuvre dans la perception du spectateur, etc.

Vocabulaire gestuel, état de corps

Le corps de Merce Cunningham est un corps hétérogène, "bricolé", qui s'est construit par emprunts à différentes sources, chorégraphiques ou non : le travail considérable du dos, transmis par Martha Graham ; la célérité des jambes, reconnue chez Balanchine et acquise par M. Cunningham au cours de sa formation de "tap-dancer" ; un certain refus du volume, élément canonique de la "Modern Dance" inspiré par le "plan" pictural non illusionniste ("Dancers in the plan").
À partir de ces éléments, on peut étudier :
- comment ce corps "dissocie" certaines parties : le haut et le bas dans le premier solo de Changing steps (film) sans toutefois renoncer à la continuité consciente de la colonne vertébrale ; comment il privilégie le travail de direction (toute séquence) ; comment s'articulent corps, regard, transferts de poids (poids-contre poids) par rapport au plan ; comment le rapport à l'espace, au temps, se travaille sur le discontinu (premier trio) ; comment fonctionne le traitement de la sphère personnelle en même temps que l'écoute de l'autre (la "rencontre" dans le premier quintette où chaque danseur est un centre, chaque danseur est en relation avec le groupe) ;
- comment tous ces éléments donnent un corps "d'éveil", présent aux événements du monde (toute séquence).

Syntaxe, écriture spatiale et structure de composition

- L'aléatoire : Changing steps appartient à la longue époque des œuvres de Merce Cunninghan. Le recours au Yi king (livre des mutations) et aux jeux de dés oriente les décisions du chorégraphe à partir de différentes questions : quelle partie du corps, combien de danseurs, combien de fois, etc. ?
- Le nombre chez Merce Cunningham : les séquences de Changing steps sont caractérisées par le nombre de danseurs.
- L'espace de Merce Cunningham est décentré, déhiérarchisé. Le danseur emmène sa propre sphère avec lui.
- Le temps est discontinu et joue beaucoup avec les vitesses : celles-ci varient d'un danseur à l'autre et n'ont pas de rapports pré-établis avec la musique. Toute narration est exclue.
- La structure de l'œuvre : entre chorégraphie fixe et "event", Changing steps est composé de séquences dont l'ordre peut permuter d'une représentation à l'autre. Cette pièce s'inscrit dans une succession d'œuvres avec intensification du processus aléatoire.
- L'acte performatif et l'interprète : la représentation en spectacle chez Merce Cunningham est soumise, comme le reste, aux lois du hasard et de l'indéterminé. La scénographie, la musique se rencontrent dans l'espace spectaculaire au plus tôt, le soir de la générale. L'interprète est en état "d'éveil" à ce qui surgit, aux autres, au monde.
Changing steps et le travail de la caméra : observer le travail du danseur face à la caméra, la réorganisation de l'espace et du temps, la redistribution de l'image du corps et du mouvement ; en fait la caméra induit une syntaxe spécifique.


* Set and reset de Trisha Brown, 1982
Le déroulement des œuvres de Trisha Brown peut se lire par cycles, chaque cycle répondant aux questions successives que se pose la chorégraphe. Comme toujours chez Trisha Brown, les options philosophiques et esthétiques du cycle sont en relation avec le travail du corps. Ses recherches sur les conceptions d'élaboration et de circulation du mouvement sont liées à l'influence de certaines rencontres (exemple : Body Mind Centering). Une fluidité et une virtuosité technique inédites, sans référence à des codes esthétiques préexistants, émergent. Le cycle dans lequel s'inscrit Set and reset pose la question du spectacle et de ses lieux dans une approche politique de l'espace (courant Judson Church), et introduit la collaboration et la "co-signature" de l'œuvre avec d'autres artistes.

Vocabulaire gestuel, état de corps

- Le poids et les transferts de poids, les qualités du mouvement : la compréhension et l'utilisation de la gravité par la recherche du poids et de ses variations, du contrepoids, permettent au mouvement de surgir et de se dissiper, de trouver l'élan ; enchaînements fluides de mouvements ou de portés inédits (en girations pivots), rencontres aériennes fugitives et insaisissables ; recherche d'une matière fluide, jeu des "particules moléculaires" ; vocabulaire qui s'élabore à partir de "l'impulse" et non de "l'impact" (ce par quoi le mouvement existe dans son initiation, son développement et sa fin) ; liberté de la colonne vertébrale, liberté du bassin qui permet la propagation d'un mouvement continu.
- L'espace : le danseur fait usage des expériences du corps dans toutes les dimensions de l'espace, le corps vertical n'est plus l'unique référence, un espace tridimensionnel est mis en jeu. Jeu avec la chute et la stabilité. Les trajectoires sont dynamisées par l'énergie de la rencontre (danseurs projetés les uns sur les autres et interceptés en plein vol) tout en continuant à laisser couler le mouvement. Flux d'actions, de ruptures, de reprises, d'oppositions... Les collisions et les élans sont articulés à partir des rencontres dans l'espace (impression de chaos maîtrisé).
- Le mouvement trouve en lui même sa dynamique et sa musicalité. La musique de Laurie Anderson introduit une dimension sonore (exceptionnelle chez Trisha Brown), référence à la scène musicale new-yorkaise.

Syntaxe, écriture spatiale, phrasé

Les phrases chorégraphiques sont initialement élaborées par les danseurs et furent un certain temps traitées par l'improvisation.
Une série de consignes organisatrices permet la prise de risque et la récupération chorégraphique pour les danseurs. Elle conduit à des variations d'espace, de temps, de relation : agir spontanément, entrer dans le chemin des autres, "saboter" leur projet (intercepter, contrer, modifier le mouvement de l'autre ou le sien propre...) ; rechercher le rétablissement et l'adaptation en mouvement le plus simplement possible ; utiliser la file, l'alignement comme structure de base.
Une "phrase générative" est reproduite. Elle se délite elle-même dans un mouvement ininterrompu d'élans sans cesse enchaînés.


B - L'approche culturelle
* L'après midi d'un faune de Nijinsky, 1912
- Le contexte. L'œuvre de Nijinsky, chorégraphe, est à replacer dans l'aventure des Ballets russes de Diaghilev entre 1909 et la fin des années 20, ainsi que dans l'actualité littéraire, artistique, musicale dont celle-ci fait partie. L'œuvre, née d'une rencontre exceptionnelle entre trois créateurs - Mallarmé, Debussy, Nijinsky - favorise idéalement une approche transversale . Comment passer d'une œuvre littéraire à une œuvre musicale puis chorégraphique ? Comment l'œuvre s'organise-t-elle à partir d'un emboîtement multiple de références ? Nijinsky n'a pas lu Mallarmé mais le niveau artistique est à la mesure du poème originaire. Sans calquer la musique, il est à l'écoute de la mélodie et de ses dynamiques internes.
- La réception. Il s'agit de mener une réflexion sur l'accueil très contrasté et extrême réservé à l'œuvre par la presse et le public, sur l'idéologie qui imprègne les discours, sur le rôle de la critique.
- La transmission. Il s'agit de réfléchir sur le rôle et le statut de la notation chorégraphique : rappel du système Stépanov appris par Nijinsky - élaboration de son propre système - transcription en cinétographie Laban par A. Hutchinson-Guest à partir de 1988.
* Changing steps de Merce Cunningham, 1988
- Le contexte.
L'œuvre est inséparable du contexte artistique dans laquelle elle se déploie. Plus proche des arts plastiques de son temps que de la danse elle-même, Merce Cunningham subit et en même temps exerce des influences importantes dans ce champ. Son œuvre est à la fois témoin et vecteur de la transversalité des arts dans la modernité américaine.
. L'expérience du Black Mountain College : Merce Cunningham rencontre l'héritage du Bauhaus, avec l'idéal de l'abstraction constructiviste d'où le sujet est absent, en même temps que les jeunes peintres de sa génération.
. La lignée de Duchamp : aux alentours des années 50, l'influence de Marcel Duchamp, sa mise en crise du statut de l'œuvre d'art et de l'identité du créateur, commencent à se faire sentir. Des amis et des collaborateurs de Merce Cunningham comme Robert Rauschenberg s'inscrivent dans cette esthétique néo-dadaïste et mettent en œuvre le collage, le ready-made, le hasard qui désacralise le rôle du créateur.
. L'esthétique de Cage : la plus grande influence que Merce Cunningham ait reçue est celle de John Cage, à la fois musicien, plasticien et poète. L'intérêt de Cage pour la pensée orientale le conduit à utiliser le Yi King, livre oraculaire chinois ancien, vers 1950. Merce Cunningham le suit. C'est Cage lui-même qui l'amène à la musique et à la danse dans le spectacle, même et surtout si les deux arts sont conçus à partir des mêmes processus. Cage propage la notion d'"indeterminacy" dans l'œuvre d'art, qui doit toujours rester mobile et évolutive.
- Les outils de création. Merce Cunningham a développé plusieurs processus successifs de création : sur la structure musicale avec le "Chance Process" (1961) et l'intégration du cinéma et de la vidéo à l'œuvre, puis à partir de 1989, avec l'ordinateur en vue de la chorégraphie assistée. En version scénique, Changing steps se situe à mi-chemin entre la chorégraphie fixée et l'"event" (assemblage aléatoire de séquences). En film, il assume l'identité, très importante dans l'esthétique contemporaine, d'une reproduction constituant un objet d'art en soi, quand bien même distribué à travers des copies multiples.
* Set and reset de Trisha Brown, 1982
L'œuvre est à interroger en lien avec :
- certains éléments fondateurs de son art, comme le passage de la chorégraphe à la Judson Church ;
- sa relation aux arts plastiques de son époque, en particulier le minimalisme et l'œuvre de Donald Judd ;
- les différentes problématiques qui marquent l'évolution de sa pensée artistique (esthétique des cycles) ;
- sa remise en cause de l'espace scénique conventionnel : la scénographie de Bob Rauschenberg avec projection de fragments de films récupérés, le support sonore intermittent et répétitif de Laurie Anderson et la création lumière de Beverley Emmons renforcent l'aspect pulvérisé de l'écriture chorégraphique.
III.2.2 L'ensemble libre
Respectant les objectifs de formation fixés par les programmes et prenant en compte le niveau et le goût des élèves, les ressources de l'établissement et de l'environnement et, d'une façon générale, le contexte sous toutes ses formes, l'équipe pédagogique dispose librement de cet ensemble, qu'il s'agisse d'une démarche interne à la discipline, d'une ouverture à l'environnement pédagogique et culturel, d'une mise en perspective de l'enseignement proposé au cours de ces trois années ou de toute autre question. En conséquence, les items ci-dessous sont donnés à titre d'exemples et d'exemples seulement. Ils n'imposent rien. Ils visent simplement à éclairer le propos.
* Dans une démarche interne à la discipline, on pourra notamment :
- revenir en cas de nécessité sur tel ou tel point du programme commun obligatoire qui n'aurait pas été assimilé par l'ensemble des élèves ou par certains d'entre eux (exemple : une question d'esthétique propre à tel ou tel chorégraphe)
- aborder de nouvelles questions afin de donner une ampleur accrue à l'enseignement tout en soulignant sa cohérence ;
- examiner des textes théoriques sur l'art, des écrits d'artistes, quelques grandes problématiques esthétiques (exemple : l'évolution de la pensée artistique d'un chorégraphe liée aux emprunts opérés) ; réfléchir au statut de l'art dans la société et notamment à celui des arts contemporains (exemple : l'intégration à une œuvre d'une diversité de références) ;
-approfondir les démarches de création en s'appuyant sur les nouvelles technologies et poursuivre une réflexion sur la relation entre technique et arts (interroger les nouvelles technologies, leur mode de fonctionnement, les conséquences cognitives et idéologiques qu'elles induisent sur notre perception du corps et du monde) ;
-considérer les projets de TPE de chaque élève, les problématiques qui les orientent, les savoirs, savoir-faire et méthodes qu'ils mobilisent pour une mise en œuvre réussie.
* Dans une démarche d'ouverture à l'environnement pédagogique et culturel, on pourra notamment :
- entrer en relation avec les autres domaines artistiques et les autres disciplines enseignées au lycée pour travailler sur des thèmes ou des questions complémentaires qui peuvent donner lieu à des approches croisées et instaurer ainsi une véritable interdisciplinarité conduisant les élèves à mieux percevoir le sens de leurs études (exemple : étudier les processus de composition chorégraphique par rapport à ceux des autres arts) ;
- consolider les relations entre l'enseignement et la création, l'école et les lieux de vie artistique et culturelle, en utilisant au mieux, de façon continue ou ponctuelle, les ressources offertes par l'environnement et le calendrier des manifestations : institutions, monuments, chantiers, festivals divers, spectacles itinérants, expositions temporaires, rencontres avec des professionnels sur leurs lieux de travail (exemple : réflexion sur les modes de production, de programmation et de diffusion chorégraphiques, le rôle des médias - télévision, presse, etc. - dans la représentation qu'ils donnent de la danse et de l'imaginaire social).
* Dans une mise en perspective de l'enseignement proposé au cours des trois dernières années, on pourra notamment :
- dégager les progressions et le sens de la formation proposée ;
- montrer les bénéfices que chacun peut en espérer dans une poursuite d'études artistiques ou non ;
- dresser un bilan pédagogique concernant l'ensemble du groupe comme chacun des élèves.

IV - ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES DE LA MISE EN ŒUVRE

En classe terminale, l'approfondissement des acquis artistiques, techniques et théoriques s'organise autour de différents modes d'activité :
- le travail expérimental d'atelier ;
- l'étude de fragments de répertoire qui propose un accès à l'œuvre et à ses références ;
- les cours et conférences qui situent le langage chorégraphique dans des questionnements et des perspectives artistiques, techniques, sociales et historiques ;
- la rencontre des auteurs sur leur lieu de création et de diffusion, et le dialogue sur leur démarche de création et leur collaboration avec d'autres artistes et hommes de métier ;
- le débat, c'est-à-dire une confrontation corporelle et théorique à partir des questions fondamentales posées par les autres arts, la philosophie et les sciences de l'homme.
Ces diverses modalités de travail en danse permettent aux élèves :
- de passer progressivement d'une approche sémantique des éléments abordés à une approche critique ;
- de relier les activités et les débats rencontrés en classe dans le cadre d'un journal de bord personnel ;
- de continuer de s'approprier les outils d'observation, d'analyse, de connaissance des pratiques et des œuvres comme autant de ressources possibles pour leur propre production.
D'une manière générale, il convient de partir des éléments du langage les plus lisibles à l'intérieur des pratiques et des œuvres et à l'extérieur de celles-ci, pour aller vers les unités les plus ténues et les moins explicites.

V - COMPÉTENCES ATTENDUES

À la fin de la classe terminale, l'élève aura acquis des compétences d'ordre artistique, culturel, technique et méthodologique. En réalité imbriquées, ces compétences, dont le repérage aidera à déterminer des critères d'évaluation, sont distribuées ci-dessous en catégories distinctes par souci de clarté et d'efficacité. Par ailleurs, le dispositif proposé ne se veut pas "référentiel de compétences". Il se propose plutôt :
- de faciliter la confrontation des points de vue des formateurs et des partenaires culturels ;
- d'identifier les différents aspects de l'évaluation et des résultats des élèves ;
- de les associer à l'évaluation du trajet opéré ainsi que des objectifs atteints.

Compétences artistiques

Comme "danseur-interprète", l'élève est capable :
- de conduire un travail d'interprétation, de variation à partir des propos identifiés d'un chorégraphe ;
- d'improviser à partir de consignes inspirées par le vocabulaire, la syntaxe, les relations prélevées dans une œuvre (exemple : le déplacement latéral ou l'interruption de mouvement chez Nijinsky).
Comme "compositeur", l'élève est capable :
- de créer un objet chorégraphique de petite dimension, de mettre en relation un vocabulaire gestuel et une syntaxe en vue de ou de faire émerger un propos et un univers personnel ;
- de réorganiser une proposition après analyse par le groupe de ses parti pris artistiques ou théoriques ou de ceux d'un chorégraphe ;
- de composer dans l'instant à partir des systèmes d'improvisation déjà repérés (à thème, structuré, libre...) ou selon une proposition inédite émanant du groupe ;
- d'établir une structure simple et dépouillée en variant les déplacements et les dynamiques.

Compétences culturelles

L'élève est capable :
- de mobiliser un certain nombre de repères et références lui permettant de conduire un débat critique sur les œuvres ;
- de mettre en relation les connaissances et notions acquises dans l'art chorégraphique avec celles des autres domaines artistiques (exemple : le processus aléatoire chez Merce Cunningham et le collage en peinture) ;
- d'élargir et approfondir ces connaissances en relation avec les enseignements de la classe terminale : lettres, histoire, philosophie et sciences de l'homme (exemple : l'écriture de Merce Cunningham se démarquant de la pensée déterministe) ;
- d'aborder quelques notions concernant la notation chorégraphique à travers les principes d'organisation d'un ou de plusieurs systèmes ;
- de questionner les modes de production à l'œuvre dans le champ chorégraphique : les processus de création des artistes, le rôle des médias par rapport aux images et représentations de la danse (en particulier dans la presse quotidienne), les outils audiovisuels et ce qu'ils induisent dans la vision de la danse, les partis pris de programmation et le marché du spectacle.

Compétences techniques

Ayant développé les acquis techniques, l'élève est capable :
- de faire ressortir des qualités corporelles en vue de l'interprétation de plus en plus fine d'un langage chorégraphique (exemple : variété des accents chez Trisha Brown) ;
- de traverser une diversité de registres gestuels (exemple : les variations tensionnelles chez Nijinsky, le mouvement quotidien chez Trisha Brown, la sensorialité en éveil chez Merce Cunningham...).

Compétences méthodologiques

L'élève est capable :
- de mobiliser les outils pertinents d'investigation sur les plans corporel, symbolique, relationnel et historique constitutifs de l'approche des œuvres et des pratiques ;
- de penser, dans le cadre des conduites chorégraphiques, les rapports de l'individu et du collectif ;
- de questionner le contexte chorégraphique et artistique dans lequel il évolue ;
- d'utiliser différents outils, dont les techniques de l'image, pour faire avancer ou revisiter son travail ou celui des autres.